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3 janvier 2010 7 03 /01 /janvier /2010 18:25

Les grands travaux du 19 ème siècle mobilisaient beaucoup de main d'oeuvre qualifiée ou non. S'agissant de cette dernière, on distinguait les "forts manoeuvres" des "manoeuvres". Construction de ponts, de canaux, de voies ferrées, gares, tout cela faisait voyager nombre d'ouvriers, contre-maîtres, et cadres bien sûr. En fin du 19ème siècle, dans notre Lorraine, comme sur les façades  Nord et Est, il s'agit de renforcer les Forts militaires, lieux stratégiques de défense du territoire national, en raison des récents progrès de l'industrie allemande dans la course au pouvoir destructeur des explosifs chimiques. Mais la construction d'infrastructures nouvelles se poursuit. 
Ainsi, c'est en 1890 -1891 que doit être construit le pont de Pierreville. Cet ouvrage est indispensable au franchissement du Madon, à moins d'une dizaine de kilomètres de son embouchure  avec la Moselle, dominée par le Fort de Pont-Saint-Vincent. 



CARTE GENERALE





Le financement


L'agent-voyer  d'arrondissement rapporte que "Monsieur Charles Collard, Conseiller général, Maire de Frolois, a compris la commune de Pierrevile pour 60 mille francs dans ses libéralités testamentaires, sous réserve que cette somme soit affectée : à la construction d'un pont sur le Madon, à la réparation du chemin vicinal de Xeuilley et à la construction d'un ponceau sur ce même chemin... Cette somme devra être versée aux ayants droit dans les six mois qui suivront (son) décès" Testament daté du 13 mai 1888. Décès du généreux donateur le 13 juin 1888. Le 24 juin, le Conseil municipal de Pierreville accepte cette offre conditionnelle. Le 25, les héritiers directs , par acte passé devant Maître Maniguet, notaire à Vézelise, déclarent ne pas s'opposer à l'exécution du testament.

Le projet

Le plan des lieux est dressé par l'agent-voyer, Monsieur Peultier, le 20 juillet 1889, présenté par son chef M.Bauer le 23 et approuvé par le Préfet le 17juin 1890.

Une conférence mixte associant le 6ème Génie de Toul et l'administration des Ponts et Chaussées conclut, le 8 mars 1890 à la nécessité de ménager des puits de minage ("établir un dispositif de mine" )dans certaines piles pour faire sauter l'ouvrage au cas où…

Deux conduits cylindriques de 40 cm de diamètre partent  à 1,20m sous la chaussée en son milieu, pour permettre de placer deux charges explosives convenables au fond de la pile, 1m au-dessus des fondations. Ces charges installées à  2 mètres l'une de l'autre, pour une pile d'environ 6m de large à cette hauteur, sont destinées à démolir la pile entière. Deux piles, dont les numéros sont indiqués par l'ingénieur du génie militaire, équipées ainsi suffisent à rendre le pont inutilisable. C'est bien entendu le Génie qui serait chargé de la tâche en vue de ralentir l' éventuel envahisseur.

 

 


Choix des matériaux
 

Le cahier des charges indique des choix impératifs quant à la provenance des matériaux de construction

Pierre de taille d'Euville(55) - Carrières Civet Crouet et Cie
Moëllons de roche propres à être piqués, têtués, et à former des pavés. Blocs pour enrochements de Pont St Vincent- Carrières Civet Crouet et Cie.
Moëllons ordinaires enrochements et matériaux d'empierrement de Pierreville-Carrières Civet Crouet et Cie.
Chaux hydraulique de Xeuilley-Fours à chaux-Fisson et Cie.
Sable et gravier de Pont St Vincent- Rivière de Moselle.
Ciment de Portland de la marque rouge-Demarle et Longuetif à Boulogne sur Mer.
Fers fontes et bois des meilleures provenance de l'industrie française.
Bitume de Seyssel (Ain).


 

Adjudication des travaux

 

Les travaux sont évalués par l'administration à 60 000 F en réalité 58 404,58 F, la différence étant une provision pour imprévus. L'adjudication sera emportée par l'entreprise qui offrira le plus grand rabais.

C'est Monsieur Nicolas François Tête de Dieulouard qui l'emporte, proposant un rabais de 16% pour l'ensemble terrassement, maçonnerie et charpente. Monsieur Tête est charpentier, compétence centrale dans la construction de voûtes en maçonnerie. 

Les autres soumissionnaires sont :Thomas-Bernanose-Lommée (Nancy), Fournier (Nancy),Chézeaux (Saint-Jean-les-Marville, actuel St-Jean-les-Longuyon 54), Gilbert (Toul), Batisse (Hagécourt 88), Henriot (Nancy), pour des rabais allant de 4% à 14%. Daudon Auguste de Laneuveville devant Nancy, soumissionnaire au départ, n'a pas fourni de devis. 

 

  L'achèvement des travaux

Le cahier des charges prévoyait une fin des travaux au 1er août 1891.
Le 22 novembre 1891, l'agent-voyer cantonal, signale que la moitié des parapets ne sont pas encore montés, et il n'y a pas de moëllons approvisionnés pour ce faire, la plus grande partie des pierres pour les tablettes et les bordures de trottoirs ne sont pas encore taillées, les terrassements sont inachevés et les matériaux d'empierrement pour les chaussées ne sont pas encore amenés à proximité du lieu d'emploi.

Craignant l'arrivée de la mauvaise saison, l'agent -voyer demande au Préfet de mettre en demeure l'entreprise, sous 10 jours d'avoir sur son chantier :

                           Tous les moëllons nécessaires,
                            tous les matériaux d'empierrement emmètrés
                           6 tailleurs de pierre au moins
                           6 terrassiers
Manifestement -la chose n'est pas si rare-, ce chantier a pris du retard. Un an et demi. En effet, la réception définitive a lieu le 9 janvier 1893, et la clôture administrative (décompte des travaux effectués et paiement) le 11 avril 1893. Un an et demi de retard.
On ignore à ce jour la cause de ces retards.
Le pont de Pierreville sautera le 21 Juin 1940, lors de l'invasion de notre pays par le 3ème Reich.

L'actuel ouvrage si situe au même emplacement et présente la même configuration que son prédécesseur. Gageons qu'il durera plus longtemps!





 

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